
Ce qui paraissait une évidence, il y a encore quelques mois, tient presque du miracle dans le paysage totalement sinistré du spectacle vivant !
Notre beau festival, nos belles rencontres, nos chaleureux moments autour de la passion des planches, tout cela nous parût brutalement inaccessible, comme dans ces horribles cauchemars où ce qui nous est donné, et nous paraît comme un acquis naturel, nous est brutalement retiré, interdit.
Interdit, ce mot qui rime si mal avec la liberté et la fraternité profondément liées à l’acte théâtral.
Et puis, la pugnacité du comité d’organisation, le soutien de la municipalité, le volontarisme des troupes, l’espoir du public fidèle de retrouver les salles, tout cela permet de reprendre le chemin de ces dernières, avec des contraintes, certes, des obligations, mais dans une perspective tellement plus plaisante que celle de continuer à nous cloîtrer, nous éviter…
Car le théâtre est le lieu du contact, du côte à côte, du face à face…
Nous resterons prudents mais nous ne bouderons pas notre plaisir.
Je suis d’autant plus heureux des efforts de mes filleuls annéciens pour rester debout dans la tourmente, que ce festival va nous permettre de déguster des auteurs contemporains, dont certains sont de grands amis.
De Sébastien Thiery à Bernard Da Costa, de Claude Monteil à Jean-Noël Fenwick, ce sont bien ces auteurs d’aujourd’hui qui vont nous parler de nous-mêmes, dans des registres tous différents…
Et il est bon que, dans les temps de grande crise, où tant de valeurs fondamentales volent en éclats, la vertu première du théâtre, celle d’appréhender le réel par le prisme de l’imaginaire, puisse se réapproprier une parole qui ne devrait jamais lui être enlevée.
Et, cerise sur le gâteau, tout cela en présence d’une de nos autrices les plus originales, les plus talentueuses, pour laquelle j’ai une tendresse et une admiration particulière : Léonore Confino.
Le vaillant président de la Fédération Nationale des Compagnies de Théâtre et d’Animation, Patrick Schoenstein, qui se bat au quotidien pour sauver ce qui peut l’être, ne s’y est pas trompé et apportera le salut de ses vingt mille licenciés sur les rives du merveilleux lac d’Annecy.
Comment donc remercier tous les bénévoles du Festival, qui sont devenus pour Annick et moi, de vrais amis, une famille ?
Comment leur dire à quel point nous sommes fiers de les trouver là, fidèles au poste, meurtris certainement, inquiets sans doute, mais confiants dans un remède, qui, s’il ne peut rien contre ce virus au plan purement médical, peut beaucoup, en revanche, pour le cœur et l’esprit de nous tous qui y sommes confrontés : le théâtre !
Jean-Paul Alègre